Démocratie malienne : Éternel recul

Coup d’État dans coup d’État. C’est ce qui s’est passé en début de cette semaine au Mali. Le vice-président de la Transition, le colonel Asssimi Goïta, a destitué le Président et le premier ministre de la Transition. Cette action, quels que soient les qualificatifs qu’on lui attribue, est un recul pour la démocratie. Ainsi, le ciel s’assombrit sur le Mali.

Le Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) a renversé, lundi, le président de la Transition qu’il a, lui-même, nommé. Ce énième coup d’État vient d’assombrir de plus l’avenir incertain de ce pays. La confusion est totale.

Les raisons de destitution de Bah N’daw et Moctar Ouane

Les putschistes, à travers le vice-président de la Transition, ont expliqué sur les antennes de la télévision nationale, les raisons de destitution du président et du premier ministre de la transition. Ces deux personnes sont accusées, par le colonel Assimi Goïta, d’avoir violé la charte de la Transition. « Dans les démarches de constitution d’un nouveau gouvernement le premier ministre nouvellement reconduit a établi une liste de gouvernement en accord avec le président de la Transition sans concertation avec le vice-président en charge des prérogatives à lui conférées par la charte à savoir, la Défense et la Sécurité. Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du président de la transition et du premier ministre d’aller vers une violation de la charte de transition, contrairement au serment prêté lors de son investiture le 25 septembre 2020 », a indiqué le vice-président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, dans son communiqué. Selon le colonel Goïta, Bah N’daw et Moctar Ouane ont fait la sourde oreille quant à ses différentes démarches pour les amener à respecter les prescriptions de la charte de transition.

Le patron de l’ex CNSP ressuscité dit avoir agi « pour préserver la charte de transition et défendre la république » tout en mettant « hors de leurs prérogatives le Président et son premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation ».

Condamnations multiples

Des partis, personnalités politiques, des associations et mouvements, au Mali, ont condamné ce coup de force des militaires du CNSP. Nombreux sont ces Maliens qui trouvent ce coup d’État « inadmissible ». La communauté internationale a, elle aussi, vigoureusement condamné ce coup de force du Colonel Assimi Goïta et consorts. Le président de la République française, Emmanuel Macron, a été catégorique. « Au Mali, ce qui a été conduit par les militaires putschistes est un coup d’État. C’est inadmissible », a-t-il déclaré sur son compte twitter.

Les torts de Bah N’daw

Le colonel-major à la retraite, Bah N’daw, a été nommé comme président de la Transition par les responsables du CNSP, auteurs du coup d’État contre le Président IBK. Il doit donc sa présidence à ces jeunes officiers supérieurs de l’armée. Ces derniers temps, les rapports entre lui et les putschistes ne sont pas étroits. C’est la mise en place du nouveau gouvernement qui a fait déborder la vase. En effet, deux barons de l’ex- CNSP, les colonels Sadio Camara et Modibo Koné ont été éjectés du gouvernement. Pourtant, ces deux officiers n’ont pas eu de garantie avant. C’est là que le président de la Transition et son premier ministre ont commis une erreur. Ces officiers sont les auteurs du coup d’État. Ils ont risqué leur vie, leurs postes pour mener cette action. Les éloigner du pouvoir sans leur donner de garantie était une erreur de la part du président de la transition. Les colonels Goïta et Wagué peuvent s’inquiéter de leurs cas aussi. Les colonels ont eu certainement peur qu’on les écarte et les jette en prison après. Le Président de la Transition devait donc, malgré les erreurs de ces auteurs du coup d’État contre IBK, les manager et travailler avec eux jusqu’à la fin de la Transition.

Un avenir incertain pour le Mali

Recul en recul, l’avenir du Mali s’assombrit chaque jour. La démocratie malienne se meurt à chaque instant. Nombreux étaient des Maliens qui espéraient à plus jamais de coups d’État après celui commis contre le Président IBK. Le peuple malien qui ne réclame que la sécurité, la cohésion sociale, le travail pour les jeunes…va encore être victime de ce énième coup d’État. Il subira certainement les conséquences des sanctions extérieures contre le Mali. Ces sanctions ont été, d’ailleurs, annoncées par le président français, Emmanuel Macron. « Nous sommes prêts à prendre des sanctions ciblées sur les protagonistes », a-t-il mentionné. La CEDEAO va-t-elle laisser passer cette action ? Difficilement. Si elle décide de mettre le Mali sous embargo, c’est la population, déjà dans des difficultés, qui souffrira davantage. Les difficultés, déjà énormes, risquent de redoubler. Pourtant, le Mali est fragile ne peut pas faire face à ces sanctions à l’heure. On doit éviter du Mali ces sanctions. Les militaires au pouvoir doivent se soucier des Maliens.

Les péchés des putschistes

Les militaires, après le coup d’État contre IBK, ont affirmé avoir « parachevé » le combat du peuple malien à travers le M5-RFP. Ils ont fini par trahir ce même mouvement qui a légitimé leur coup d’État. De la même manière qu’ils accusent le président Bah N’daw à travailler « unilatéralement », de cette manière ils sont aussi par bon nombre de Maliens. Ils ont, au mépris de tout le monde, militarisé l’armée, fait la promotion de leur clan, les colonels. Les pratiques dénoncées sous IBK continuent jusqu’à présent. Bref, ils ont fait du IBK sans IBK. Leurs erreurs, c’est d’écarter la classe politique, surtout le M5-RFP qui était qualifié comme leur « partenaire stratégique ». Cette fois-ci encore, peut-être pour légitimer leur coup d’État, ils ont encore invité le M5-RFP à Kati pour lui proposer, selon plusieurs sources, la primature. Les colonels vont-ils encore trahir ce mouvement hétéroclite ? Rien venant de ces officiers ne doit surprendre.

Un autre grand péché, c’est de continuer à militariser l’administration alors que l’insécurité règne au nord et au centre du pays. Ils ont prouvé, à travers leurs faits, qu’ils ne valaient pas mieux qu’IBK.

L’heure d’arrêter d’applaudir les coups d’État

A chaque coup d’État militaires, nombreux sont ces citoyens qui applaudissent sans mesurer les conséquences de la prise du pouvoir par les armes. Et après, le regret est énorme, car les auteurs de ces coups finissent par décevoir. En 2012, ceux qui ont applaudi le coup d’État le plus lâche de l’histoire du monde, dirigé par Amadou Haya Sanogo, ont regretté quelques mois après. Le même scenario s’est répété encore cette fois-ci. Le CNSP qui a été beaucoup applaudi a déçu plus d’un Malien. Ses responsables ont montré qu’ils ont des bons élèves à IBK, car  ils continuent avec les mêmes pratiques combattues sous ce dernier. Chaque coup d’État au Mali est une déception. Il est temps d’arrêter d’applaudir les auteurs de ces coups d’État qui ne font que mettre le Mali en retard. On ne peut se réclamer toujours d’un État démocratique et continuer à encourager les coups d’État.

Boureima Guindo

Source: Le Pays
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