Je n’ai pas les détails de cette histoire, pour autant, elle ne m’étonne pas. Il y a des problèmes à tous les niveaux des urgences. Et bien souvent, ça commence au niveau des services de pompiers ou du SAMU qui ne sont pas bien équipés, ni bien formés, ce qui fait que la victime arrive encore plus mal en point qu’au moment de l’accident.
La procédure veut que le malade soit pris en charge par un médecin, pendant ce temps là, les proches remplissent les formalités administratives. Ensuite, le médecin donne une ordonnance à l’infirmier qui la transmet à la famille. C’est là que la famille doit payer pour obtenir les médicaments, les poches de sang, les actes de radiologie mais aussi pour le matériel [gants, cotons etc…]. Le plus souvent, les familles ont du mal à payer et parfois les pharmacies sont incomplètes.
Mais dans le cas de cette jeune fille, ce qui très probable, c’est que le personnel a vu qu’elle n’avait aucun de ses proches pour payer. Ils l’ont donc probablement laissée de côté. Si vous êtes sans parent et quasiment inconsciente, le système fait que vous ne serez probablement pas soignée à temps puisque, de fait, vous ne pourrez pas payer. Et c’est d’autant plus vrai quand vous vous êtes fait agresser puisque vous n’avez probablement rien sur vous.
Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de Sécurité sociale en Cote d’Ivoire. Les hôpitaux sont des structures qui doivent faire entrer de l’argent. C’est difficile à admettre mais les urgences étant en permanence saturées, les médecins doivent faire des choix au moment des prises en charge.
“Il n’y a pas d’urgences à proprement parler”
Le président [Alassane Ouattara] avait mis en place la gratuité totale des soins après la crise postélectorale. Mais finalement il est revenu en arrière et a instauré la “gratuité ciblée” [détaillée ici, elle inclut les 48 premières heures dans les services d’urgence médicochirurgicales]. Mais les services hospitaliers ne suivent pas. On manque d’urgentistes, il n’y a d’ailleurs pas de formation spécifique pour cette spécialité et les établissements sont sous équipés. Imaginez qu’en ce moment nous avons un seul IRM qui fonctionne dans tout le pays !
Un autre point important, c’est que les spécialités ne sont pas prises en compte dans les salaires : urgentiste de nuit ou généraliste de jour, c’est le même salaire. Et les budgets sont tellement insuffisants que bien souvent le personnel n’est pas payé pendant des mois. Dans ce contexte, bien que ce soit un sacerdoce de sauver des vies, les équipes perdent indéniablement en motivation.
Quand une fille dans l’état d’Awa est déposée aux urgences, les gens s’attendent à ce qu’elle soit prise en charge mais l’hôpital ivoirien aujourd’hui ne permet pas d’assurer cela. Et ce n’est pas le médecin qu’il faut incriminer mais tout le système qu’il faut revoir.