Centres hospitalo-universitaires : Suspension des interventions chirurgicales à froid

Par crainte d’éventuelles contaminations à la Covid-19 des malades et du personnel soignant, les opérations programmées ont été gelées dans certains établissements hospitaliers

 

Nos compatriotes sont inquiets à l’idée de voir les Centres hospitalo-universitaires (CHU) et autres centres de santé de référence (CSREF) remettre aux calendes grecques les interventions chirurgicales à froid, c’est-à-dire les opérations chirurgicales programmées, du fait de coronavirus. Effectivement, certaines structures ont gelé ce type d’opération pour éviter d’éventuelles contaminations à la Covid-19, soit des malades, soit des chirurgiens et anesthésistes réanimateurs, autrement dit le personnel du bloc opératoire.
Aujourd’hui, les malades qui sont dans cette situation sont préoccupés par cette situation. Mais est-ce que la décision cadre avec l’éthique médicale ? Pour en avoir le cœur net, notre équipe de reportage a fait le tour de quelques structures de soins. Certaines administrations hospitalières ne jouent pas le jeu de la transparence en donnant les informations nécessaires à l’intention du grand public en vue de dissiper les appréhensions.

La décision de suspension est globalement appréciée par les praticiens qui estiment qu’elle vise à empêcher une propagation du virus de la pandémie, notamment au niveau du bloc opératoire. C’est là que patients et soignants peuvent facilement choper le virus.
à l’Hôpital du Mali, qui assure aussi la prise en charge du coronavirus, on est conscient de l’impact de la décision sur les autres maladies et sur le fonctionnement normal de l’établissement. Pr Nouhoum Diani, chef du service anesthésie-réanimation à l’Hôpital du Mali, confirme que l’une des raisons de cette décision est d’ordre épidémiologique. Pendant cette période de coronavirus, souligne-t-il, le risque de contamination qui se fait par voie respiratoire est élevé. « Si on devait continuer avec le programme opératoire, on favoriserait la circulation du virus. Quand il y a une anesthésie générale, on endort le patient et on prend sa respiration totalement en charge avec le respirateur. Lorsqu’on débranche un malade pour intuber un autre avec la même machine, l’infection est inévitable », relève l’anesthésiste.

Par ailleurs, il explique qu’il suffit qu’un porteur asymptomatique souille le bloc opératoire pour éventuellement contaminer d’autres malades à opérer. Mais il précise que les urgences chirurgicales sont tout de suite prises en charge parce que là, c’est une question de vie ou de mort. Il cite volontiers certaines complications de l’accouchement qui requièrent une césarienne.
L’anesthésiste-réanimateur de l’Hôpital du Mali assure que les patients dont les interventions peuvent attendre seront informés au cours des consultations externes. Pour lui, ils n’auront pas à se préoccuper de leur tableau clinique, une fois que le médecin donnera les explications claires et les assurances nécessaires. La pilule est amère à faire passer chez certains qui grincent des dents. Ceux-ci estiment que le gel des interventions à froid peut constituer un risque d’aggravation de leur mal.

INSUFFISANCE DU PERSONNEL- Pr Diani évoque aussi l’insuffisance des ressources humaines comme une autre raison ayant motivé la suspension des interventions chirurgicales à froid dans son établissement hospitalier. Il explique que l’équipe du centre de prise en charge des patients Covid-19 a été étoffée avec des anesthésistes-réanimateurs. Ce qui a réduit l’effectif du service d’anesthésie-réanimation qui doit gérer les éventuelles urgences chirurgicales avec les chirurgiens. Notre interlocuteur reconnaît que la situation paraît comme une épine dans le pied. à ce propos, il indique à titre d’exemple qu’il n’y a qu’un seul assistant médical en anesthésie affecté au bloc opératoire pour gérer les urgences. « On est submergé actuellement malgré le gel des interventions chirurgicales programmées. »

Dr Mahamadou Dama, neuro-chirurgien exerçant dans le même hôpital, déplore lui aussi l’insuffisance des ressources humaines. C’est un casse-tête antérieur à la pandémie de la Covid-19. L’Hôpital du Mali n’est pas le seul établissement à pâtir de cette situation. « Le personnel qui travaille au bloc opératoire, notamment les anesthésistes, a été redéployé au centre de prise en charge des patients du coronavirus. On a fait de telle sorte que le peu d’anesthésistes qui restent puissent s’organiser pour les urgences », précise-t-il, ajoutant que dès qu’il y aura le personnel anesthésiste suffisant, les opérations chirurgicales à froid pourront reprendre normalement.

Il exhorte la population à assurer le plaidoyer auprès des autorités compétentes pour doter les établissements sanitaires de compétences en quantité suffisante. Concernant la possibilité de maintenir les interventions à froid, Dr Mahamadou Dama rappelle la proposition de l’équipe médicale chinoise. Celle-ci consiste à faire systématiquement un scanner thoracique quand un malade est programmé pour une intervention. Ce qui permettra de circonscrire les risques. Mais lui-même pense que ce procédé peut augmenter les coûts des interventions donc causer des soucis aux patients. Tous s’accordent à reconnaître que la suspension des interventions est une préoccupation. Ils espèrent qu’on y trouvera rapidement une solution.

Le Centre hospitalo-universitaire (CHU) du Point G semble renvoyer l’image d’une structure de 3è référence qui ne répond plus médicalement à grand chose. On est peut être sévère dans notre jugement, mais cet établissement qui représentait, il y a une ou de deux décennies le nec plus ultra en matière de soins de 3è référence, a besoin d’une remise à niveau. Le directeur général adjoint de l’établissement, Brehima Diallo, que nous avons rencontré, a souhaité nous renvoyer à un spécialiste de la question.

Mais il faut simplement rappeler que dans un entretien avec la presse, la semaine dernière, le secrétaire général du bureau du Syndicat national de la santé, de l’action sociale et de la promotion de la femme (SNS-AS-PF), Karim Traoré, avait évoqué la suspension des interventions chirurgicales programmées comme un cailloux dans la chaussure de l’établissement parce que la situation représentait un manque à gagner pour l’hôpital.

Au Centre hospitalo-universitaire Centre national d’odontostomatologie (CHU-CNOS), l’un des derniers de la classe, personne n’a daigné communiquer sur le gel des interventions à froid.

Le CHU Gabriel Touré serait le seul établissement hospitalier à maintenir son programme opératoire. Une source qui a requis l’anonymat confirme que les chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs ne chôment pas, en tout cas pour ce qui concerne les interventions à froid. Mais à ce niveau aussi, toutes nos tentatives de faire réagir l’administration hospitalière sont restées vaines. La nouvelle direction générale de l’établissement s’emmure dans un mutisme incompréhensible.

Aujourd’hui, la réalité crève les yeux. Le coronavirus a bousculé les habitudes au niveau des centres hospitalo-universitaires et autres centres de santé de référence. Il faut espérer que les malades n’en pâtissent pas.

Mohamed D. DIAWARA

Source : L’ESSOR

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