Tribune du citoyen : Gouvernance au Mali : Alioune Ifra N’Diaye dénonce le ‘’Baba Commandement’’ et propose…

Pour le célèbre homme de culture, Alioune Ifra N’Diaye, un citoyen au sens du terme qui contribue énormément à l’édification et au rayonnement de son pays, le ‘’baba Commandement’’ demeure le principal obstacle au Mali. Ce n’est pas normal et il faut le dénoncer, mais aussi comprendre l’urgence de prendre en charge la société malienne, en mettant en place un Programme moderne d’éducation à la citoyenneté en dehors de toute caporalisation partisane. Explications.

Depuis l’Indépendance, la gouvernance au Mali a généralement concentré tous les pouvoirs (social, culturel, judicaire, militaire, économique, politique, religieux…) dans les mains des fonctionnaires. J’ai l’habitude d’appeler cette forme de gouvernance par le terme ‘’baba commandement’’, en référence au commandant colonial qui était percepteur, juge, administrateur, postier…bref, le tout puissant après Dieu, comme le décrit Amadou Hampaté Ba dans le Tome 2 de son mémoire ‘’Oui, mon commandant !’’

Les fonctionnaires constituent moins de 1% de la population active, ne produisent pas directement la richesse, sont des rentiers publics, mais détiennent la moitié de la richesse du pays, grâce à un Etat de prédation qu’ils ont mis en place.

A partir de 1991, une dynamique démocratique avait mitigé cette forme de gouvernance, avec plus de liberté d’expression, un projet de décentralisation et une forte promotion du secteur privé. Mais l’Etat de prédation a dynamité de l’intérieur cette dynamique en empêchant une véritable décentralisation du pays, en virussant le débat et l’exercice démocratiques du pouvoir.

2012 qui aurait dû être une redynamisation de la démocratie, a été en fait la reprise en main du pouvoir par les fonctionnaires en faveur du coup d’Etat et des conséquences collatérales mal gérées de la chute de Kadhafi.

Aujourd’hui cette prise en main totale est en cours, grâce à l’action conjuguée des appareils militaires et judiciaires de l’Etat de prédation. En même temps que ce processus est en cours, de nouveaux centres de pouvoirs se sont construits pour obliger les fonctionnaires à partager avec eux une partie de la rente publique. Parmi ceux-ci, les espaces religieux.

Un passé toujours réécrit en faveur des princes du jour.

Le baba commandement a empêché au Mali l’émergence d’un univers symbolique moderne commun en phase avec les enjeux d’aujourd’hui. Il a installé une culture officielle fortement ancrée dans le passé, un passé régulièrement réécrit en faveur des princes du jour, et empêchant d’envisager le futur autrement.

Aujourd’hui, le citoyen malien, en général, définit son présent exclusivement par le ‘’passé réécrit’’ et non par le futur à inventer ensemble. Ce logiciel culturel réduit fortement sa capacité de production et fait qu’aujourd’hui il ne dispose pas d’un univers symbolique moderne, en partage avec ses propres compatriotes.

Une société constituée d’individus aux repères culturels fluctuants peut difficilement s’inscrire dans une dynamique de cohésion sociale.

Le Pnec – Programme national d’éducation à la citoyenneté – a démontré qu’il est possible de prendre en charge ce dysfonctionnement structurel en dehors de toute caporalisation partisane. C’est vraiment une urgence ! Sinon nous serons inscrits durablement dans la pauvreté. Le commandement le permettra-t-il?

Alioune Ifra N’Diaye*

*Le surtitre, le titre et le chapô sont de la rédaction

Le Challenger

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