Moctar Ouane, Premier ministre malien: «Nous combattons le terrorisme, quel qu’il soit»

Peut-on combattre les terroristes tout en parlant avec eux ? Oui, affirme Moctar Ouane, le Premier ministre malien, qui est l’un des trois chefs de la transition depuis le putsch du 18 août dernier à Bamako. Pour Moctar Ouane, l’action militaire et le dialogue ne sont pas contradictoires. Sur sa stratégie et sur la durée de la transition au Mali, il s’explique au micro de Christophe Boisbouvier.

 

Le 19 février, dans votre discours devant le Parlement de transition, vous avez annoncé que les élections se dérouleront à la date prévue. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

Les élections seront l’aune à laquelle sera jugée la transition, et c’est pourquoi nous apportons le plus grand soin à l’organisation, au déroulement et aux résultats de ces élections-là, et nous allons tout faire, comme l’a indiqué le chef de l’Etat, pour que le délai soit absolument respecté, nous y travaillons très fortement.

Est-ce que ça veut dire que les élections auront lieu avant mars 2022, comme promis après le putsch d’août 2020 ?

Les élections seront tenues à bonne date. Comme vous le savez, j’ai rencontré la classe politique il y a deux semaines, nous sommes convenus de la mise en place d’un cadre de concertation qui nous permettra précisément de travailler plus avant, de manière à ce que nous soyons dans les délais convenus, à savoir les 18 mois fixés à la transition.

Les 18 mois fixés pour la transition, ça nous amène à février 2022, c’est ça ?

Oui, l’horizon qui a été fixé sera celui-là.

Le fait que vous ne donniez pas de date précise, est-ce parce qu’il risque d’y avoir des prolongations au-delà de février 2022 ?

Il n’y aura pas de prolongation, comme l’a dit le chef de l’État. Nous travaillerons en ayant à l’esprit l’horizon fixé, celui des 18 mois.

Sur RFI et France 24, c’était il y a tout juste 3 mois, vous avez déclaré : «  avec les groupes radicaux, nous avons choisi l’option du dialogue ». Est-ce que vous y êtes arrivé ?

D’abord je voudrais préciser une chose, c’est que, sur la question du terrorisme, la position de principe du gouvernement du Mali est que nous condamnons fermement le terrorisme et nous le combattrons énergiquement. Et cela dit, pour ce qui concerne le dialogue engagé avec les groupes terroristes, je voudrais aussi rappeler que ceci constitue une recommandation très forte de notre peuple à travers le Dialogue national inclusif, mais aussi les Journées de concertation nationale de septembre 2020. Je ne voudrais pas en dire plus sur ce sujet, compte tenu de sa sensibilité.

Alors il y a un autre Premier ministre qui se dit ouvert au dialogue avec les groupes jihadistes, c’est votre homologue du Burkina Faso, et la presse du Burkina révèle que l’Etat malien aurait facilité des discussions entre Ouagadougou et les groupes radicaux du nord du Burkina Faso, est-ce que vous confirmez ? 

Je ne commente pas les faits de presse, mais ce que je veux dire, c’est que la paix au Mali est utile pour le Burkina et réciproquement. Donc de ce point de vue-là, nous nous concertons régulièrement pour promouvoir et renforcer la paix et la sécurité dans nos pays respectifs. Mais vous savez, parler avec les terroristes, c’est aussi une manière de combattre le terrorisme.

Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction entre le fait de dire « nous combattons les terroristes » et le fait de dire « nous parlons avec les terroristes » ?

Ce sont les deux leviers qu’il faut combiner ensemble. Nous, nous avons une action militaire que nous déployons sur le terrain, et cette action militaire va se poursuivre contre tous les groupes terroristes, mais dans cette action il y a une opportunité qui s’offre également à travers les discussions qui pourraient être engagées avec ceux qui opèrent de manière violente souvent contre leur gré, et pour des raisons existentielles. Il s’agit précisément d’extirper ces éléments-là de cette posture et de les engager dans une dynamique, dans une perspective plus constructive, plus positive, plus vertueuse, qui est celle de se réinsérer dans la communauté.

Quand vous parlez d’un dialogue avec ceux qui combattent contre leur gré, c’est peut-être plus les subalternes que les chefs terroristes ?

Oui, mais nous n’avons pas la naïveté de considérer que, par le dialogue, nous parviendrons à régler cette question. Nous utiliserons ce levier-là comme un moyen supplémentaire de parvenir à l’objectif que nous recherchons, en insistant sur l’action militaire implacable qu’il faut maintenir et amplifier.

On a un exemple concret de ce dialogue, c’est lors de la libération de Soumaïla Cissé et de Sophie Petronin, début octobre. C’est cette photo où un émissaire de Bamako pose au côté du numéro deux du GSIM, Sedane Ag Hita. Est-ce que ce dialogue se poursuit ? 

Je vous l’ai dit tantôt, nous travaillons d’arrache-pied à assurer la sécurité sur l’ensemble de notre territoire, ce sont des efforts importants, quotidiens, que nous déployons et je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Et vous savez que pour ça nous payons un sacrifice élevé, un sacrifice humain élevé pour ça, et donc nous saluons vraiment l’engagement de la France à nos côtés, nous savons le prix du sang que donne la France. Et c’est dans cela que notre coopération est à saluer. Je voudrais dire que le gouvernement du Mali continuera de s’engager pour cela, la coopération militaire entre nos deux pays est assez forte, elle se densifie davantage et cette coopération militaire, nous devons continuer de la développer de part et d’autre.

SourceRFI

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