Commandant Idrissa Diallo à propos du respect du couvre-feu : « nous adoptons la méthode de sensibilisation d’abord ; après, qui s’oppose doit sentir »

Décrété par le président de la République dans le cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie du Coronavirus, le couvre-feu est appliqué partout à travers le Mali depuis le jeudi dernier. Cela de 21h à 5h du matin. Les forces de l’ordre, en charge de l’exécution de cette décision, sont souvent dénoncées à cause des dérapages de certains des leurs. Par moment, ces policiers sont victimes des faux procès qu’intentent certains citoyens contre eux. Pour non seulement parler du degré du respect de cette décision par les populations maliennes, mais aussi de la question de la violence qu’utilisent les policiers dans l’exécution du couvre-feu, nous nous sommes entretenus avec le Commandant Idrissa Diallo, officier du cabinet au ministère de la Sécurité en charge de la coordination et de la protection des hautes personnalités. Il déballe tout et blanchit les agents de la police qui, selon lui, mettent en avant la sensibilisation des citoyens imprudents.

Lisez l’interview

Pouvez-vous vous prononcer sur le couvre-feu en cours ?

Quand la décision a été prise par les plus hautes autorités, le général de division Salif Traoré, ministre de la Sécurité et de la Protection civile, a instruit à l’ensemble des forces de sécurité de faire appliquer ce couvre-feu. Le ministre lui-même, en plus de son cabinet, le DG de la Police, celui de la Gendarmerie, en compagnie du directeur régional de la Police, et certains responsables de la Garde nationale, ainsi que de la Gendarmerie, se sont présentés au monument de la Paix pour donner le départ du couvre-feu à partir de 21H00, le jeudi dernier. Il faudra savoir que dans toute œuvre humaine, il se trouve ces genres d’activités qui ne sont pas fréquentes. Pour un début, il y avait deux petites choses : d’abord, il y avait des doutes chez certains citoyens qui se demandaient si on pouvait asseoir ce couvre-feu dans la ville de Bamako. Pour d’autres, il y a tout un incivisme face à cette décision de plus haut niveau. De ce fait, il fallait, avec le lancement des stratégies de communication, adopter un plan pour ramener les sceptiques à ne pas avoir de doute. Cela, en appliquant la décision par l’interpellation des gens et la saisine des engins à deux et quatre roues. Ces interpellations ont pu montrer aux sceptiques, ceux qui étaient prêts à bafouer l’autorité de l’État, que la décision du couvre-feu va être appliquée. Là où nous sommes, les résultats sont probants parce que l’adhésion est là. Les Maliens y ont adhéré. Ce qui veut dire que les gens ont commencé à comprendre. Dans la méthodologie d’approche de la sécurité, souvent quand ça commence, des gens qui ont des bons comportements sont informés par nos agents pour rappeler qu’il est 21H. De ce fait, ils rentrent aussitôt dans leur maison. Mais les réfractaires, eux, ils doivent sentir qu’ils se sont opposés. À cet effet, ils sont interpellés dans les règles de l’art. Nous sommes partis par une méthode de sensibilisation d’abord. Après, qui s’oppose doit sentir. Ces réfractaires sont emmenés dans les commissariats. Ils perdent leur temps et leur énergie. Cela leur fait souffrir un peu. Il ne faut pas que les gens croient que c’est seulement dans la ville de Bamako que la mesure s’applique. La gendarmerie et nos équipes mobiles vont dans les quartiers périphériques. Les gens commencent à comprendre maintenant, tel est notre objectif. Déjà à Bamako, à partir de 20H30, si vous voyez la circulation, les gens filent comme s’ils sont poursuivis par quelqu’un qui détient le fouet. Chacun se précipite pour rentrer à la maison. Et à partir de 21H15, ça trouve que la circulation est fluide. C’est pour dire qu’au ministère de la Sécurité et de la Protection civile, la supervision s’effectue à plusieurs niveaux. Ce qui permet de cadrer beaucoup plus les choses. Nous ne disons jamais que nous sommes parfaits. En se cherchant, certains citoyens peuvent se retrouver dans les fossés par peur. Dans ces genres de situations, les gens diront qu’ils ont été tabassés ou blessés par les agents alors que c’est par peur qu’ils se retrouvent souvent avec leur engin dans des fossés. À certaines vitesses, l’engin seul peut entraîner des blessures, lorsque la personne tombe dans les fossés. Son bras ou son pied peut être cassé par panique.

Dans des vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, on voit les agents qui violentent les civils. Ces vidéos sont-elles vraies ?

Effectivement, j’ai vu une vidéo, via laquelle, il est écrit : fin du couvre-feu à Bamako. Pourtant, quand on essaye d’écouter le son, on se rend compte que ce n’est pas le bambara qui est parlé dans la vidéo. Quand vous prêtez beaucoup votre attention, vous trouverez qu’il y a d’autres langues, différentes du bambara connu de nous tous. Violenter, il faut bien peser les choses peut-être. Dans la vidéo, je n’ai pas vu le sang couler sur le corps du jeune. J’ai vu un jeune en train de danser. Donc, c’est une situation de ferveur. Peut-être qu’il était là, gaillardement, en train de braver pendant que les autres étaient entrés à la maison. C’est comme s’il était dans une posture de braver. Dans ce cadre, si on vous demande qu’est-ce que vous faites ici, et qu’on vous dit de sauter avant de vous laisser partir, il y a quelle violence à ce niveau ? Il n’y a ni de traces sur le corps du jeune ni de sang. Je pense qu’il faut savoir peser les choses. Quand on dit de ne pas passer par-là à une telle heure, il ne faut pas le faire. Cela fait partie du respect de l’autorité de l’État. Le jeune n’a nullement été violenté. Il a juste dansé et ils (les agents) l’ont laissé partir.

On dit aussi que le couvre-feu est un moment propice pour les braqueurs. Dans certaines zones, ils peuvent poser des actes à conséquences lourdes pour des paisibles citoyens. Quels dispositifs pour cela ?

On sait bien que le braquage et le banditisme restent un phénomène lié au développement de la ville. Les individus qui les font ont une capacité d’analyse. Ils analysent l’environnement physique, social, politique et économique. Pour ces niveaux, la sécurité est transversale. Pour ceux qui remarquent, c’est pendant la période de fraîcheur que la fréquence de vol est très élevée. Parce qu’ils (les braqueurs) savent qu’à cette période, les gens ferment toutes les portes à cause de l’intensité du froid. Au mois d’août, du fait que les pluies sont interminables, ils peuvent même enlever la batterie des véhicules. Parce que les gens ne sortent pas sous la pluie. En ce moment de couvre-feu, les gens restent, par respect de l’État, à la maison. Les braqueurs peuvent se dire que cela est un moment idéal pour passer à l’acte. Ils le font après l’analyse que les policiers ne passent pas par la zone ciblée. Le couvre-feu n’augmente pas le banditisme ni le vol. Ces voleurs qui sont toujours là exploitent les opportunités. Chaque situation qui se passe peut-être une opportunité favorable ou défavorable pour eux. Ils sont renseignés.

Dernier mot.

Je félicite et encourage la population à tenir ce moment crucial où le peuple doit chercher à relever ce défi national et mondial. C’est par discipline que la Chine est parvenue à réduire le nombre de personnes qui sont mortes à cause du covid-19. Ce sont des attitudes que nous devons avoir sans la recommandation de l’État. Le fait que ces mesures sont déjà prises par les autorités, je pense qu’il ne doit pas encore y avoir des mesures coercitives pour un bon citoyen en vue de leur application. Un bon citoyen doit respecter ces dispositions sans le bâton. Les citoyens doivent avoir le souci de comprendre que c’est un autre citoyen (policier) qui se prive de son sommeil pour la sécurité de tous. En raison de cela, la population doit comprendre notre mission.

Par Boureima Guindo et Mamadou Diarra

Source : LE PAYS

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