Le double « mental » du CHANGEMENT

Il n’est pas rare d’entendre dire : « on veut le changement », « il faut que ça change ! », « il faut du sang neuf ! », « il faut un changement ». L’utilisation courante de ces expressions corrobore l’engouement des maliennes et des maliens pour le changement sur le plan socio-économique et politique. A titre d’illustration un parti politique bien connu de chez nous, dont le leader fut premier ministre est dénommé le changement, en langue nationale Bamanankan « YELEMA »

Nous réclamons tous à cor et à cri le changement mais en réalité, qui veut véritablement changer ? Comment peut-on changer ou faire changer ?

D’emblée, le changement est plus facile à dire qu’à faire ou à subir, c’est ce que souligne Anatole France en ces termes : « Tous les changements, même les plus souhaités, ont leur mélancolie ».

Mon voisin qui travaillait dans un département ministériel, au moment de dire au revoir à ses collègues, suite à une nomination, avait les yeux larmoyants. Il ne voulait presque pas les quitter « Hina bé délila »

Le changement est non seulement difficile en vertu du « Hina bé délila » et du fait que nous soyons beaucoup habitués à nos anciennes pratiques (sociales, économiques, politiques administratives etc), mais aussi et surtout sur le plan psychologique. On se demande le plus souvent si l’ancienne situation qu’on projette d’abandonner n’est pas mieux que la nouvelle qu’on envisage d’embrasser. « Même les nénuphars tremblent à l’idée qu’on puisse assainir le fond du marécage » écrivait Stanislaw Jerzy Lec.

Oui ! Le changement est facile à dire mais difficile à faire ou à subir. C’est pourquoi, dans le même registre, Francis Blanche in les pensées, le cherche midi, 2011 nous apprend que : « Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement »

Par ailleurs, suite à la crise multidimensionnelle qu’a connue le Mali en 2012, le changement est apparu comme une aspiration fulgurante du peuple malien sur plusieurs plans. Or, le changement, loin d’être un petit mot à prononcer, doit plutôt être un grand comportement à adopter. Vous devez incarner le changement que vous voulez apporter. Si vous voulez changer quoi que ce soit, commencez d’abord à changer et à vous changer vous-même.

Cependant, dans notre combat quotidien d’aller vers le changement, le champ est vaste et le fardeau est lourd, le chemin est loin et parsemé d’embûches. « Si vous voulez faire quelque chose, vous avez contre vous trois catégories de personnes : les gens qui voulaient faire la même chose, les gens qui veulent faire le contraire et cette masse d’individus qui ne voulaient rien faire », disait Confucius.

Cela est d’autant plus établi, qu’il est aisé de constater que les conservateurs ont la phobie du changement, je les appelle des « changemenphobes ». « Ecoute Petit, depuis que tu n’étais pas encore né, c’est comme ça qu’on procède, donc ce n’est pas à toi de venir changer les choses du jour au lendemain » : voici généralement les mots qui sortent de leurs bouches, en réponse aux innovateurs.

Aussi, certaines personnes pour des intérêts personnels s’opposent-elles mordicus à tout changement ou tentent-elles d’opérer des changements en leur faveur et de manière subjective. Pourtant, le changement objectif est parfois impératif au regard des mutations socio-économiques, politiques, de l’évolution du monde moderne, de la mondialisation, de la communautarisation. « Un Etat qui n’a pas les moyens d’effectuer des changements, n’a pas les moyens de se maintenir », Edmund Burke (Réflexions sur la révolution en France 1790, London, 1825, p 27).
Néanmoins, ce n’est pas en faisant table rase, suite au doute cartésien, que nous pouvons aboutir au changement escompté. Faut-il congédier tous les agents de la fonction publique malienne, pour éradiquer la corruption au sein de l’administration ? Faut-il forcément que tous les politiciens de notre pays soient mis en dehors de la scène politique pour instaurer la morale dans le paysage politique dans le dessein d’avoir des dirigeants qui incarnent le changement ? Faut-il mettre à la retraite tous les généraux et hauts gradés de l’armée pour bâtir une armée forte et professionnelle ?

A mon avis, le changement tant souhaité, n’est pas forcément tributaire du changement des hommes mais de leurs mentalités et de leurs comportements. Pour ce faire, l’Etat devrait « prendre de bonnes lois » et se « doter de bonnes armes », pour garantir le respect de la volonté générale, du bien public, de l’éthique et de la déontologie ; tout en respectant le principe sacrosaint de légalité. « Pater legem quam ipse fecisti » (Respecte la règle que tu as toi-même établie).

Permettez moi d’ajouter que le changement est bien possible, oui c’est possible, le changement positif bien sûr, si on converge les idées et les intérêts, si on mobilise les bras et les énergies au service d’un idéal fondé sur le bien commun.

Cependant, s’agissant des choses, ce changement loin d’être physique (c’est-à-dire porté sur des apparences), doit plutôt s’intéresser à la profondeur de la chose. Changer le moteur d’un véhicule me semble plus novateur que de changer et peindre la carrosserie. S’agissant des personnes humaines, leur changement doit porter sur l’abstrait que sur le concret. Au lieu de changer Jean à Paul, essayons de changer la mentalité de Jean, à celle de Paul, aux fins que par son comportement, Jean puisse être semblable à Paul au service de la nation.

Le changement, à mon sens n’est pas que physique, il est surtout « mental » et comporte-« mental ». C’est ce que j’appelle le double « mental » du CHANGEMENT.

A cet égard, le mot « mental », au lieu d’avoir un rôle purement poétique en servant d’allitération, s’affirme plutôt comme le Maitre mot de la présente communication, car il en appelle au changement de mentalité qui est indubitablement le socle de tout autre changement dont celui de comportement.

In fine, espérant un changement de mentalité et de comportement pour un Mali économiquement développé, qui occupe toute la place qui est la sienne sur l’échiquier mondial, je fais la prière de la sérénité empruntée au théologien américain Reinhold NIEBUHR (1892-1971) : « Mon Dieu, donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux ».

Aboubacar COULIBALY

La rédaction

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