Chronique « Sur le vif » Ie Mali, ne pas trop tirer sur la corde

Le risque qu’il y a à trop tirer sur la corde, c’est de la voir se casser. Fatalement. Le Mali étant sur une corde raide depuis 2012 avec les insurrections indépendantistes et djihadistes de 2012, les protagonistes de la crise politique actuelle seraient bien inspirés de ne pas jouer aux funambules. Tout faux pas risque de plonger ce pays voisin dans les abysses d’une crise déjà assez inextricable. Hélas, tous les faisceaux de signes semblent converger vers un scénario du chaos, du pire. En effet, la médiation de haut niveau entrepris par la Cedeao et les menaces de sanction brandies à l’endroit de tous ceux qui, pouvoir comme opposition, bloqueraient la mise en œuvre du plan de sortie de crise, n’auront finalement servi à rien. Le statu quo est total. Le mouvement de contestation dit du 5 Juin (M5-Rfp) continue de réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta et a rejeté la proposition de participer à un gouvernement d’union nationale tandis que les 31 députés de la majorité dont l’élection est l’un des facteurs déclencheurs des évènements en cours ont refusé d’obtempérer à la demande de démission de la Cedeao. Si on ajoute à ce triple échec la volonté du mouvement contestataire de lancer la deuxième phase de désobéissance civile dès ce début de mois d’août, on peut qu’être pessimiste.

 

Dans ces conditions, il sera difficile de «chasser les démons de la division» comme l’a appelé de ses vœux la figure de proue du M5-Rpf, l’Imam Mahmoud Dicko, à l’occasion de la fête de la Tabaski. Quelque part, le discours du guide religieux est en contradiction avec tous les actes que lui et ses partisans posent depuis le début de cette crise. Ils ont rejeté toutes les propositions de sortie de crise jusqu’ici proposées d’abord par le président Ibk, ensuite par l’émissaire de la Cedeao Goodluck Jonathan et par la délégation des cinq chefs d’Etat de la Cedeao.

Aujourd’hui, les clés d’un apaisement sont entre les mains des leaders de ce mouvement hétéroclite. Pour ce faire, il suffit qu’ils acceptent de lâcher du lest, de faire des concessions comme l’a fait Ibk qui a accepté de dissoudre la Cour Constitutionnelle, de renoncer à ses prérogatives constitutionnelles d’en nommer trois membres et de réorganiser une élection législative partielle. Et certainement, il a dû peser de tout son poids pour que son fils de député, Karim Keita, démissionne de la présidence de la Commission de Défense de l’Assemblée nationale. Certes, aux yeux du mouvement M5-Rfp, ces « efforts » du chef de l’Etat ne sont pas suffisants, mais il faut concéder au président malien – dont l’image de sauveur qu’il véhiculait lorsqu’il a accédé à la présidence en 2013 s’est fortement écornée – une volonté de décrispation. Même si, par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’Ibk tente par là de sauver son fauteuil présidentiel de Koulouba.

Les leaders du mouvement M5-Rfp, alliance hétérogène de chefs religieux, de personnalités du monde politique et de la société civile qui se sont agglomérés autour du célèbre Imam Dicko ne peuvent plus continuer à jouer aux va-t-en-guerre au moment où le Mali mène une guerre d’usure contre les djihadistes dans sa partie septentrionale. D’ailleurs, au moment où ce mouvement était en train de peaufiner la seconde phase de sa stratégie de désobéissance civile, l’armée malienne subissait, dimanche 2 août, de nouvelles pertes lors de deux attaques simultanées dans le centre du pays, dans le cercle de Niono, dans la région de Ségou. Le lourd bilan qui est de cinq morts allonge la liste des revers essuyés depuis le début de l’année par les Fama (Forces armées maliennes).

Faut-il le rappeler, c’est dans un contexte identique de troubles politiques à Bamako que les Djihadistes s’étaient emparés, en 2012, d’une bonne partie du vaste territoire malien. À l’époque, la vague de contestation au son de « Att dégage » n’avait fait qu’envenimer la situation qui enfantera un fantasque personnage : le capitaine Amadou Haya Sanogo. Les cris « Ibk dégage » qui montent des rassemblements du M5-Rfp risquent de conduire le pays au même scénario. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets. Dégager pour dégager n’a jamais rien réglé dans un pays. D’ailleurs, l’histoire nous apprend que souvent, cela engendre le chaos. Libye, Irak, sont deux cas édifiants. Une démission d’Ibk ne cicatriserait pas les plaies du Mali. Des plaies trop béantes dont la plus grave, à mon sens, reste les violences communautaires entre Peuls et Dogons. Cela aussi mérite de mobiliser les énergies.

Quand on pense que les Maliens sont en train de donner le bâton aux Djihadistes pour se faire encore battre.

Par Elhadji Ibrahima THIAM — LE SOLEIL

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