Disparition de l’écrivain Yambo Ouologuem à 77 ans

Littérature : cette personna non grata s’appelait Yambo Ouologuem

HOMMAGE. Jean-Pierre Orban avait réédité Les mille et une bibles du sexe, l’ouvrage le plus iconoclaste de l’écrivain malien, Prix Renaudot 1968, qui vient de disparâitre à 77 ans. Il témoigne.

Yambo Ouologuem ecrivain mort decede

Je l’ai appris ce dimanche par sa famille : Yambo Ouologuem est mort ce samedi 14 octobre à l’hôpital de Sévaré (Mali) où il s’était retiré au début des années 1970 après avoir connu la renommée et sitôt après l’opprobre tant des milieux africains qu’occidentaux.

Qui était Yambo Ouologuem ?

Il restera à jamais l’auteur du premier prix Renaudot attribué à un Africain, toutes régions confondues. Cela pour Le Devoir de violence publié au Seuil en 1968. Le roman dessine une vaste fresque d’un royaume africain imaginaire, du 13e au 19e siècle. Empreint de violence et mêlé d’érotisme, y compris d’épisodes homosexuels, Le Devoir de violence s’en prend à la conquête arabe des terres sub-sahariennes, accuse le colonialisme, mais fustige tout autant les notables africains d’avoir fait, selon l’auteur, le jeu du colonisateur en assurant carrément leur « assistance technique » avant la lettre.

Pour cette franchise, Ouologuem sera violemment attaqué par certaines élites africaines. Léopold Sédar Senghor traitera le texte du Malien, né à Bandiagara au pays dogon, d’ « affligeant » : « On ne peut pas faire une œuvre positive quand on nie tous ses ancêtres. »

Les Européens ne seront pas en reste. Vers 1972, commence une campagne d’accusations de plagiat venue des Etats-Unis. C’est que, post-moderne avant la lettre, Yambo Ouologuem reprend et réécrit des passages entiers d’une multitude d’auteurs, depuis les anonymes de la Bible jusqu’à Rimbaud ou Maupassant. L’ouvrage tout entier est une réplique du Dernier des Justes d’André Schwarz-Bart, Prix Goncourt 1959. Schwarz-Bart ne lui en voudra pas. Graham Greene, copié lui aussi, demandera des excuses.

L’une des plus belles plumes Francophones

Ouologuem se rêvait en écrivain français. La crème de la crème. Il avait suivi le parcours de l’élite française : classe préparatoire à Henry IV, Normale Supérieure, doctorats. Lui, l’Africain noir allait dresser le miroir dans lequel le Blanc se reconnaîtrait. Le Blanc ne l’admit pas. Pas plus que l’Africain, que le Malien traitait de « négraille » dans Lettre à la France nègre (1969).

Yambo Ouologuem a écrit trop tôt, avec trop d’audace, sans doute trop sûr de lui. Rentré au pays, « détruit », disait-il « par les Français », il n’écrira plus. En tout cas, ne publiera plus jamais. Il est mort, enfermé dans son silence et son rejet du monde, tourné depuis des années vers la spiritualité musulmane. Paix à son âme, comme on dit. Jusque-là, elle était torturée et avait été malmenée. Place à la mémoire. Elle doit passer par la réédition de ses œuvres, inaccessibles pour la plupart. Et par sa diffusion en Europe et en Afrique. Il est temps que Yambo Ouologuem cesse d’être, où que ce soit, persona non grata !

* Ecrivain, chercheur, Jean-Pierre Orban s’attelle à réhabiliter depuis longtemps l’oeuvre de Yambo Ouologuem. Il a ainsi réédité Les Mille et une bibles du sexe, de l’auteur malien aux Editions Vents d’ailleurs.

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